«Nous jouerons, entre autres exercices sur la mémoire que nous avons des voix et que nous ferons défiler en parlant devant un micro… on se positionnera comme lecteur automatique de sa pensée, il s’agira de désubjectiver sa voix, de la mettre dans une perspective de parole qui échappe complètement à la communication bien qu’elle soit oralisée. Une parole objet, avant ou après message. Tous les phénomènes de citation, de ritournelle, de reprise, de parodie peuvent donc survenir.
La pratique de notre parole : une logorrhée.
(Les troubles de la parole peuvent nous intéresser comme technique orale, ainsi l’écholalie, la dysglossie, etc.)
Nous serions soumis au flux de nos images/voix mentales, préfigurant — déjà en parlant — les enceintes qui diffuseront le montage fixé de toutes nos voix.
Le montage vocal (comme en situation d’interview) fait référence au nettoyage de nos pensées verbalisées. Une version écrite.
Le montage est-il du côté de l’écriture, de la séparation ou de l’omission ?
L’éloquence dans la communication se rapporte a priori au montage, puisque nous adressons notre parole.
Et lorsque le tri dédié à la communication ne s’effectue pas, mais que nous parlons, y a-t-il encore montage ? Le flux de la pensée n’est-il pas déjà construit comme un montage ? Une pensée, une parole non-montée est-elle utopique ?
Est-ce que notre montage diffusé doit imiter le flux de la pensée ? Est-ce que le montage traditionnel d’objets sonores s’oppose à ce flux ?
Que se passe-t-il lorsque l’on fait parler le flux conjugué de tout un groupe ? Accède-t-on à ce que l’on pourrait qualifier de bruit mental ? Peut-on produire une parole collective ? Par quel procédé peut-on trier cette parole collective ? Faudra-t-il la saisir ? L’organiser en plans spaciaux ? Ce tri peut-il être réalisé en groupe ? Le montage sonore n’est-il pas par essence une activité réservée à l’individu ?»
Texte de présentation écrit à destination des étudiants participants au projet Opéricube
Ma pratique s’est aussi construite dans l’organisation de situations permettant le prélèvement d’une matière vocale collective.
Après avoir conçu durant une correspondance de six mois avec Laurent Gérard alias Elg — artiste et musicien bruxellois qui a notamment travaillé le montage vocal avec ses « capitaine présent »—, un projet de workshop à destination d’une vingtaine d’étudiants de la Villa Arson. Nous avons pu expérimenter lors d’une semaine intensive de travail en huis-clos, grâce au soutien de Pascal Broccolichi et du studio son, un parc d’une dizaine de micros nous permettant d’improviser vocalement durant deux jours tout en enregistrant la totalité des interventions des participants.
À cela s’en est suivi deux jours de montage dont le fruit, nommé Opericube a été restitué lors d’un concert public en première partie d’Elg, concert que j’ai moi-même produit et organisé (affiches, flyers, mise en place d’un blog, communication) dans le Grand Amphi de la Villa Arson.
Ce montage a été projeté dans un petit acousmonium de 10.1 enceintes et transformé ainsi en multiphonie au moyen d’une table de mixage que j’ai conduite lors de ce concert.